Qu’est-ce que c’est pour un article ?

Une fois n’est pas coutume : voici un petit texte en français, rédigé par les soins de notre cheffe de projet Emilie Hischier. Amis, clients et contacts de Suisse alémanique, ne vous découragez pas ! C’est l’occasion rêvée pour sortir des vieux tiroirs les leçons de français apprises sur les bancs d’école ou à la caserne militaire de Fribourg.

La variété du français que je parle est profondément marquée par la langue allemande: Les germanismes du français.
Les trains ne sont pas les seuls à franchir les frontières régionales de la Suisse – les langues voyagent elles aussi.

Mes moments Eurêka
Il semble difficile de croire qu’autant de langues aux racines différentes soient parlées dans le si petit territoire que constitue la Suisse. J’ai longtemps pensé que ces langues cohabitaient à peine, qu’elles n’interagissaient pas entre elles. Je viens d’un canton qui en serait la parfaite illustration : le Valais est une région bilingue, dont les deux secteurs linguistiques sont séparés par une frontière nette entre le Haut et le Bas-Valais. À partir de Sierre (Siders), on parle allemand – point.

Je n’avais donc curieusement pas réalisé, avant de déménager en Suisse allemande, que la variété du français que je parle est profondément marquée par la langue allemande, et ce, sous différents aspects linguistiques. Il a fallu ce déménagement et quelques années hors du Valais pour noter ces similarités entre deux langues qui ne possèdent pourtant pas les mêmes origines, une « interinfluence » qui me frappe à chaque fois que je rentre « à la maison ».

Si la présence du français dans la langue allemande n’est plus à prouver et mène parfois à quelques confusions (un Perron est une voie de train, le Parterre désigne le rez-de-chaussée), l’inverse est également vrai ! Voici quelques exemples exotiques, que j’appellerai mes « moments Eurêka » :

Witz
Utilisé plutôt par les générations plus anciennes, le germanisme witz est masculin, comme en allemand. Il respecte donc le genre grammatical de la langue source, même si le mot français est féminin (la blague). Ma grand-mère me dit souvent : Souris, ce n’est qu’un witz !

Stempel
Couramment utilisé par toutes les générations, le stempel désigne comme en allemand le tampon, le timbre : Tu peux me mettre un stempel sur cette enveloppe ? ou encore : J’ai besoin d’un stempel officiel pour ce document.

Poutzer
Dans ce cas-ci, l’orthographe a été quelque peu « francisée ». De l’allemand putzen, le verbe poutzer ou poutser est utilisé comme synonyme de nettoyer, faire le ménage. Nous avons même trouvé le moyen d’en tirer un nom commun : J’ai fait la poutze dans toute la maison.

Schlouck
De schlucken, qui signifie avaler. Un schlouck est simplement une gorgée de liquide : Tu en veux encore un schlouck?

Qu’est-ce que c’est pour un(e)
Sans doute mon germanisme favori, même s’il s’entend de moins en moins. Directement de l’allemand Was ist das für eine(n)..?, il exprime l’étonnement, parfois même un message négatif. La structure syntaxique a été entièrement prise de l’allemand. Étonnant, oder ?

Je pousse le bouchon plus loin en me demandant si l’expression être râpe (être avare) ne viendrait pas tout bonnement du mot Rappen, qui signifie centime. Malheureusement, je n’ai pas encore trouvé de preuve linguistique tangible à l’appui. To be continued…

Après quelques recherches sur les germanismes existants dans la langue française, je me suis rendu compte – sans grande surprise – que nous en partageons certains notamment avec les Belges et les Alsaciens. Durant un repas avec une amie alsacienne, je lui ai demandé de me nommer un mot typique de sa région. Elle m’a répondu du tac au tac : « Le schnaps ! »

Il est toujours intéressant de noter que les frontières linguistiques sont poreuses, que les langues sont toujours vivantes, s’influencent mutuellement, évoluent – n’en déplaise aux puristes.

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